A la caisse du supermarché

Ou l’on voit qu’un malentendant, qui n’a pas plus de temps libre qu’un autre, en perd plus souvent que les autres.

Il y a beaucoup de monde aujourd’hui, au supermarché. Tellement de monde que nous sommes huit charriots par caisses à attendre.

Il me vient à l’esprit les résultats d’une étude sur les temps de passage en caisse, que j’ai lu récemment. Entre 4 et 6 minutes par charriot.

Je me résigne donc à occuper comme je peux les prochaines 30 minutes.

Pour me distraire, je m’imagine patron de ce magasin. Calculant, grâce à d’hypothétiques statistiques de fréquentation dont je dispose, à quel moment de la journée dois-je mettre deux, trois ou quatre caissières pour  « fluidifier » le passage en caisse et réduire ainsi le temps d’attente pour les clients. Tout en faisant attention à ne pas exploser les coûts en employant du personnel supplémentaire.

Il est vrai que dans cette enseigne, le client passe presque autant de temps à la caisse que dans les rayons.

Pendant que je rêvasse, une caissière arrive derrière nous, dit quelque chose d’une voix forte, et d’un coup, tout le monde se précipite vers une caisse hors service.

Je viens enfin de comprendre, mais c’est trop tard.

La caissière est venue ouvrir une caisse supplémentaire. Elle a dû dire « Messieurs dames, veuillez passer à la caisse n°3 s’il vous plaît ».

Ceux qui étaient derrière moi ont immédiatement entendu le message et se sont rué sur la caisse vide.

Le premier arrivé, encore tremblant, tout excité par son exploit, regarde les autres d’un air narquois, savourant sa victoire. Très fier d’avoir réagit au quart de tour, oubliant au passage toute règle élémentaire de galanterie. Mais sa joie est de courte durée. Son sourire de vainqueur se transforme peu à peu en une expression vaguement hystérique. Dans son esprit, étroit comme un passage de caisse, il réalise soudain que les gens ne le regardent pas avec envie mais plutôt avec mépris. Car il s’en est fallu de peu qu’il bouscule la petite mamie qui était pourtant avant lui au départ. La pauvre vieille qui n’a pas plus de 10 articles dans son petit carton, qu’elle porte contre elle, regarde maintenant notre champion du 10 mètres rayon-caisse déballer nerveusement son charriot plein à craquer.

Chacun aurait pu conserver sa position initiale dans la queue et la reporter sur cette nouvelle caisse. Mais existe t-il une règle pour cette situation ? Apparemment, non. Que le meilleur gagne, donc !

Je pense que je serai toujours aussi mauvais à ce jeu, enfin, si on peut appeler ça un jeu ! J’appellerai plutôt ça une course. Je dirai même une course hippique. Car contre toute attente, un gros « bourrin » a terminé premier.

Dans cette course, je n’avais de toute manière aucune chance. Je partais avec un handicap. Je n’ai pas entendu le top départ !

Il faudrait juste que je comprenne -à temps- ce que dit la caissière quand elle annonce qu’une caisse va s’ouvrir…

Quand par miracle, je comprends ce qu’il se passe, je propose naturellement aux personnes qui sont devant moi de se positionner pareillement à la nouvelle caisse.

Et il arrive malgré tout que les participants à la course se ruent sur l’autre file, y compris ceux qui étaient devant moi.

Cet incompréhensible, mais heureux mouvement de foule, me place, sans avoir eu à changer de file, juste devant le tapis roulant avec seulement une personne devant moi. Je me retrouve alors très bien positionné dans la « course », en situation de gagner. Et il en résulte que je sorte du magasin avant le « gros bourrin » !!!

Après un tel dénouement, j’ai presque envie de faire « la danse du cheval » de « Gangnam Style » en sortant !

 

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